Terres consommées ou terres de liens ? Le cas de l’Ile-de-France

n°205-206 - 2010

Description

« Mais alors, pourquoi la ville ? Quelle ligne sépare le dedans du dehors, le grondement des roues du hurlement des loups ? »
(Italo Calvino, Les villes invisibles, éd. du Seuil, 1996, p. 44).

Depuis des millénaires, la ville et la campagne interagissent, dialoguent, se confrontent.

La revue POUR poursuit sa démarche de réflexion sur les rapports du monde rural avec la ville en se plaçant « du point de vue de la ruralité » et donc de l’agriculture, de l’alimentation, de l’environnement et du développement durable : le présent numéro de POUR pose ainsi la « question Terres-ville » à propos de l’Île-de-France. Une prise de conscience semble amorcée quant à la nécessité d’un dialogue renouvelé entre le monde « rural-paysan » et les acteurs de l’aménagement urbain, comme le démontrent l’engouement pour le développement des circuits courts alimentaires, la multiplication des Amap et les actions de promotion de « l’agriculture de proximité ». Ces innovations reflètent une tendance assez générale qui concerne aussi la métropole parisienne et la région Île-de-France. Leur impact est encore très limité même si, symboliquement, elles représentent une évolution importante des relations entre consommateurs et agriculteurs et traduisent l’intérêt porté par des urbains aux campagnes qui les entourent. Cependant, ce renouveau de l’ « agriculture de proximité » passe aussi, sans doute, par le développement de structures commerciales plus classiques. Certaines d’entre elles assurent la promotion des productions locales auprès du grand public et contractualisent avec des producteurs de la région (la Ferme du Sart, à la périphérie de l’agglomération lilloise, en est un exemple).

Michel Griffon, agronome-économiste, se réjouissait récemment lors d’une conférence à la Maison de l’Arsenal à Paris, de l’amorce d’un vrai débat de fond entre urbanistes et agronomes.

De même, le paysagiste Michel Desvigne, dans sa contribution à la consultation pour le Grand Paris, produit une sorte de guide de bonnes pratiques pour la gestion de la frontière entre les terres bâties de la ville et les terres agricoles (voir article page 145). Il suggère que les deux mondes – ville et campagne – s’articulent « par l’entremise d’un milieu singulier, qui les concilie, qui les fasse profiter l’un de l’autre, qui les mutualise ».

La ville consomme les terres qui l’entourent et leur vocation alimentaire de proximité est bien souvent oubliée. L’urbanisme, discipline en charge de penser la conception et l’évolution de la ville, a l’impérieuse obligation de freiner le rythme de l’artificialisation des terres nécessaires à sa croissance, mais aussi de considérer le destin des terres qui la bordent.