Inventions savantes, formation et appropriations citoyennes : jardins des villes, jardins des champs

Le jardin est redevenu à la mode après un temps d’oubli ou du moins de désintérêt, même si le succès du modèle de la maison avec jardin, à la ville comme à la campagne, ne s’est jamais vraiment démenti. Figure parfois considérée comme ancienne que ce soit sous sa forme populaire (le potager) ou sa forme aristocratique et bourgeoise (le jardin à la française), on redécouvre aujourd’hui qu’il a accompagné et continue de marquer l’organisation des territoires, ruraux comme urbains. L’épidémie de la COVID-19 a également constitué un puissant révélateur de son importance quand l’accès physique à des espaces de nature, voire à certains produits alimentaires s’est trouvé compromis pour les habitants des centres urbains. Dans cet aggiornamento, le jardin s’affirme comme un condensé d’enjeux multifonctionnels : entre esthétique, alimentation, bien-être, aménité et nature sans oublier son rôle majeur de lien social. Cette appropriation nouvelle de nombre d’habitants, saisis pour certains par l’angoisse écologique, exprime une convergence d’inventions savantes ou professionnelles comme de logiques commerciales. En effet, le jardin a connu un phénomène de marchandisation au point de devenir un produit économique (jardineries, matériels, produits et services). Mais dans le même temps il est un lieu de multiples expérimentations, à la fois « artistiques » (festivals des jardins, land art, cinéma), « techniques » (jardin naturel, bio, permaculture), sociales, qui toutes affirment la nécessaire attention à la nature, au monde et à l’humain.

Ce numéro de Pour vient donc questionner les formes et figures du jardin à la ville comme à la campagne, celles en continuité comme en rupture. Il a également souhaité donner la parole aux jardiniers de différentes générations qui affirment clairement leur rôle de médiateur-passeur et en contrepoint aux formateurs à ce métier qui ne cesse de gagner en importance.